14
15
Yuichiro Hori
Yuichiro Hori
STORYTELLING
STORYTELLING
Qu’est-ce qui vous a poussé à fonder
Stellar Works en 2012 ?
Yuichiro Hori : Je me suis rendu pour
la première fois à Shanghai en 1999 en
tant que chef de projet pour un promo-
teur japonais. Au terme de ma mission
dans cette ville, j’avais découvert sa
capacité à constamment évoluer et
ne voulais plus la quitter. Au Japon,
d’où je viens, les traditions artisanales
se transmettent selon un processus
comparable à ce que l’on peut voir en
France. L’ouverture de ma propre usine
a été le plus gros défi que j’ai dû relever :
les fabricants chinois n’étaient pas en
mesure d’assurer le niveau de qualité
attendu par une entreprise japonaise et
l’industrie du meuble au Japon était trop
conservatrice et peu stimulante. Face à
un tel constat, j’ai envisagé de créer ma
propre entreprise, qui devait à mon sens
être basée à Shanghai. J’ai toutefois mis
du temps avant de me lancer : je n’étais
pas tout à fait sûr de moi et ne pouvais
m’engager à investir dans ma propre
affaire.
Avant de réfléchir à l’entreprise, je
me suis longuement interrogé sur ma
capacité entrepreneuriale. J’ai d’abord
envisagé de concevoir et de vendre mon
propre mobilier en Chine. Après avoir
commencé à investir dans une usine, j’ai
toutefois décidé d’ouvrir mon propre site
de production pour profiter des faibles
coûts de production et de la facilité d’ac-
cès aux fournisseurs locaux. Confronté
à la difficulté de dénicher des artisans
à la fois expérimentés et travailleurs, j’ai
dû former mon propre personnel pour
atteindre le niveau de qualité auquel
j’aspirais. J’ai pu mettre en place une
usine de pointe en faisant appel à un
personnel japonais chargé du contrôle
de la qualité et à des techniciens fran-
çais recrutés au travers d’un partenariat
avec le fabricant de mobilier haut de
gamme Laval (qui détient 40 % de
l’entreprise). Endéans une décennie, je
serai ainsi en mesure d’ouvrir une usine
chinoise répondant aux normes interna-
tionales en matière de technologie, de
contrôle de la qualité et de conditions
de travail. Stellar Works a observé le
fonctionnement d’usines implantées au
Japon, en Europe et en Amérique du
Nord, et elle s’est rapidement dévelop-
pée grâce à ses compétences internes,
qui conjuguent la création de prototypes
à un processus de production rationa-
lisé jusque dans les moindres finitions.
Constatant que l’usine ne répondait
depuis le départ qu’à des commandes de
qualité élevée, il m’a semblé naturel de
lancer en 2013 ma propre ligne de mobi-
lier : Stellar Works.
Stellar Works est devenue la première
marque asiatique de design au monde.
De quels défis et opportunités cette évo-
lution s’est-elle accompagnée ?
Y.H. : Pour forger notre image de marque,
j’ai dû mettre en place une direction
artistique reconnue à l’échelle locale
comme internationale. En 2015, j’ai
réussi à convaincre Neri&Hu d’assumer
cette responsabilité, permettant ainsi
à Stellar Works de se hisser au niveau
d’une marque de design proposant des
collections signées par des designers,
notamment une réédition d’une chaise
Mid-Century de l’architecte danois
Vilhelm Wohlert et une ligne contempo-
raine condensant les meilleures qualités
de travail du bois issues des traditions
chinoise, japonaise et française. Stellar
Works se distingue aujourd’hui par une
esthétique asiatique alimentée par une
multitude de talents de haut niveau
contribuant à mettre l’Asie sur le devant
de la scène.
Grâce à son image de marque, l’entre-
prise a commencé à s’étendre dans
le monde entier. Elle vend désormais
dans 35 pays et a enregistré en 2016
un chiffre d’affaires de 20 millions de
dollars. D’abord centrée sur l’Amérique
du Nord et l’Europe, Stellar Works pro-
gresse désormais sur son marché local,
où la clientèle se désintéresse pro-
gressivement des copies au profit de
créations originales. Stellar Works a dû
recourir à l’innovation pour certains de
ses derniers projets, notamment pour
concevoir le cadre en métal incurvé de
la collection Valet, développée en par-
tenariat avec l’architecte et designer
basé à New York, David Rockwell. Nous
avons dès lors acquis les locaux d’un
ancien fabricant de vélos situés juste à
côté de notre usine de Shanghai, ce qui
vient compléter le savoir-faire de notre
atelier spécialisé dans la production de
mobilier en bois.
Chaque nouvelle collection figurant dans
le catalogue de Stellar Works constitue
une source de valeur ajoutée pour l’en-
treprise et illustre la capacité de notre
usine à fabriquer jusqu’aux moindres
finitions des sièges en bois aux struc-
tures complexes et des créations de
mobilier sophistiquées sur mesure telles
que des bancs, des tables, des chaises
et de nombreux autres articles de design
d’intérieur. Chacune des créations
affiche une silhouette à la fois contem-
poraine et intemporelle. En apportant
une touche asiatique à ses collections
contemporaines, Stellar Works y fait dia-
loguer l’Orient et l’Occident.
Vous possédez une connaissance très
poussée des artisanats de l’Asie du Sud-
Est et du Japon, pour lesquels vous
nourrissez un profond intérêt qui trans-
paraît à travers la culture de la marque
et son évolution sur le marché global.
Quelles sont les collaborations qui ont
marqué ces cinq dernières années ?
Y.H. : J’ai étroitement collaboré avec des
artisans japonais (principalement de
Kyoto) qui ont rejoint le collectif Japan
Handmade, notamment sur un tex-
tile de kimono avec Hosoo, du tissage
de bambou, de la laque, de la teinture
à l’indigo, du cuivre et du laiton avec
Kaikado,… La combinaison du bois et
du métal avec de la feuille d’or m’inté-
resse. Vu la proximité géographique de
notre usine de Shanghai par rapport au
3.
4.
3 — Yuichiro Hori, Photo courtesy Stellar Works
4 — OeO, Kyoto Lamp
© Su Li